Les forces indiennes affrontent à Bombay des islamistes armés qui détiennent toujours des otages, au lendemain d'une série d'attaques coordonnées qui ont ciblé en particulier des étrangers et fait une centaine de morts dans la capitale économique de l'Inde.
Le premier ministre indien Manmohan Singh a accusé un groupe basé «en dehors» du pays d'être responsable de ces attentats qui ont visé une dizaine de cibles, dans une allusion voilée au Pakistan, pays voisin et rival de l'Inde.
Ces attaques «bien préparées et bien orchestrées, probablement avec des ramifications à l'extérieur, visaient à créer un sentiment de panique, en choissant des cibles de haut niveau et en tuant des étrangers sans discrimination», a dit M. Singh dans un message à la nation.
Dans la soirée de jeudi, des tirs et explosions sporadiques étaient toujours entendus aux alentours des bâtiments attaqués, notamment deux hôtels prestigieux, l'Oberoi/Trident et le Taj Mahal, dont les commandos de l'armée et la police tentaient de prendre le contrôle.
Près de 200 personnes étaient encore bloquées à l'intérieur de l'Oberoi, selon le vice-président du Groupe Oberoi, S.S. Mukherji.
La police, qui avait à la faveur de la nuit lancé l'assaut contre le Taj Mahal, a en revanche annoncé avoir commencé à en prendre le contrôle, progressant «chambre par chambre».
Le chef de la police locale, A.N. Roy, a précisé que des clients étaient toujours dans les chambres du Taj Mahal, mais qu'il ne semblait plus y avoir d'otage dans cet hôtel.
«Nous sommes confiants que nous allons parvenir à vaincre les terroristes», a ajouté A.N. Roy.
La mégapole de l'ouest de l'Inde, centre des affaires de la dixième puissance économique mondiale, a été le théâtre mercredi d'une série d'attaques spectaculaires, coordonnées et menées par des hommes armés de fusils d'assaut et de grenades, qui ont visé les deux hôtels ainsi que huit autres cibles, dont la gare centrale et un hôpital.
Un complexe résidentiel et de bureaux abritant un centre juif, le Nariman House, a également été attaqué et des otages, dont un rabbin, semblaient toujours s'y trouver jeudi.
Selon des témoins, les assaillants ont retenu en priorité en otages des Britanniques et des Américains.
Ces attentats ont été revendiqués au nom d'un groupe islamiste se présentant comme les Moujahidine du Deccan, du nom du plateau qui couvre une grande partie du centre et du sud de l'Inde.
Cent une personnes ont été tuées, selon les autorités, et 287 blessées. Une dizaine d'étrangers figurent parmi les tués, dont un Japonais, un Australien, un Britannique, un Italien et un Allemand.L'un des hommes armés retranchés dans l'Oberoi/Trident a déclaré par téléphone à la télévision indienne que le groupe réclamait la fin des «persécutions» contre les musulmans d'Inde et la libération des militants islamistes détenus dans ce pays.
Un client britannique du Taj Mahal, Rakesh Patel, a raconté à la télévision que les assaillants étaient «très jeunes, comme des enfants (...) Ils ont dit qu'ils voulaient tous ceux qui avaient des passeports britanniques et américains», a-t-il témoigné.
Le chef de la division anti-terroriste de Bombay, Hemant Karkare, a été tué dans les fusillades ainsi qu'au moins 10 autres membres des forces de sécurité.
La présidente de la République indienne Pratibha Patil a fermement condamné les attaques, menées, a-t-elle dit, par des gens «sans aucune considération pour la vie humaine».
Ces attentats ont suscité l'indignation dans le monde, notamment à Washington et Londres et de la part de l'Union européenne.
Depuis trois ans, l'Inde est frappée environ tous les trois mois par un attentat, dont le rythme semble toutefois s'accélérer depuis novembre 2007.
À Bombay, il s'agit de la troisième série d'attaques revendiquées par des groupes islamistes indiens. La première avait fait 24 morts le 13 septembre à New Delhi, la capitale, la deuxième 80 morts le 30 octobre dans l'Etat de l'Assam (nord-est de l'Inde).
Le Premier ministre indien a cependant accusé jeudi un groupe basé «en dehors» de l'Inde. «Nous allons formellement signifier à nos voisins que l'utilisation de leur territoire pour lancer des attaques contre nous ne sera pas tolérée», a-t-il dit, sans citer de pays nommément.
L'Inde a souvent accusé des groupes islamistes basés au Pakistan, pays frontalier de l'Inde, d'être responsables d'attaques sur son sol. Le Bangladesh, autre pays musulman frontalier de l'Inde, a lui aussi été récemment montré du doigt par Delhi.
L'Inde et le Pakistan, puissances nucléaires, et rivaux depuis leur fondation en 1947, notamment autour de la souveraineté sur la région himalayenne du Cachemire, ont cependant amorcé en 2004 un difficile processus de paix.
Le groupe extrémiste islamiste Lashkar-e-Taïba, basé au Pakistan et qui combat la domination indienne sur une partie du Cachemire, a nié jeudi toute participation dans ces attaques, par ailleurs condamnées par le Pakistan.